Le mobilier d'Elizabeth Garouste

Depuis les années 1980, Elizabeth Garouste se joue du fonctionnel pour rappeler que le mobilier peut être un personnage, une fantiasie, une créature venue d'ailleurs.
Marie-Claire, 12 December 2025
Depuis les années 1980, Elizabeth Garouste se joue du fonctionnel pour rappeler que le mobilier peut être un personnage, une fantiasie, une créature venue d'ailleurs. Adolescente, elle courait avec son frère aux ateliers du musée des Arts décoratifs, émerveillée par les couleurs de Matisse, Kandinsky et Hockney. Plus tard, aux côtés de Mattia Bonetti, elle ose défier les dogmes du minimalisme. Leur duo, baptisé avec humour Les Nouveaux Barbares, impose un vocabulaire flamboyant, farouchement libre. De la déco du Palace aux boutiques de Christian Lacroix et aux pièces uniaues pour la galerie Avant-Scène, son univers se raconte comme une nature enchantée qui refuserait la symétrie. Les matières se déploient: bronze patiné, résines, céramiques, feuillages peints. La nature est depuis toujours son fil conducteur, une source d'inspiration et d'apprentissage. "Je l'ai apprise jeune, je m'excusais de marcher dessus. Travailler avec la nature dans mes créations m'a permis de l'apprivoiser, d'admirer ses couleurs, ses formes, ses cycles", confie-t-elle. Ses oeuvres évoquent des forêts enchantées, des fleurs et des motifs organiques, où chaque objet semble vivant. Ce goût de l'imaginaire trouve depuis 1986 un écho parfait chez la galerie Élisabeth Delacarte. L'ouverture de l'Avant-Scène sonne comme une déclaration d'amour aux artisans d'art, aux objets uniques, loin des modes et du design industirel. Elle s'en amuse, "anti-design" par conviction intuitive, précurseur dans la défense des savoir-faire rares, elle offre à Elizabeth Garouste une scène fidèle depuis quatres décennies. Leur amitié nourrit un dialogue constant. Pour ce nouveau solo show, la créatrice a carte blanche: quinze pièces seront exposées dans la galerie, parmi lesquelles une amoire en vitrail et des céramiques inédites, passeront entre les mains d'ébénistes, laqueurs et ferroniers, révélant l'élargissement constant de son vocabulaire baroque. Tout cela prend racine dans un lieu, son appartement-atelier, niché sous une grande verrière qu'inonde la lumière. Autrefois petit théâtre de répétition, il s'est mué en cabinet de curiosité intime. Pas un mur sans peinture, sans dessin, sans histoire : sculptures en métal, mobilier cousu et peint de sa main, oeuvres de son mari Gérard Garouste et de son frère David Rochline, souvenirs d'amis artistes, chaises aux accoudoirs végétaux, luminaires fantastiques. Les médiums s'y croisent : émail de Limoges, porcelaine de Sèvres, bronze, résine, terre blanche, tissus animés de motifs fantasques. Les kilims se chevauchent au sol comme un sentier nomade. Des objets et meubles créés pour l'association La Source ponctuent le lieu. Rappels discrets du combat solidaire mené depuis plus de trente ans avec Gérard Garouste. Le couple y défend l'idée que la création peut redonner confiance et ouvrir des horizons aux enfants fragilisés. La maison respire alors les vies mêlées.Un quotidien enveloppé de création permanente, comme si les rêves ne demandaient qu'à traverser les murs. Elizabeth Garouste poursuit le sien, merveilleux, encore et toujours.
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