Pauline d'Andigné, Sipping Bleach: Ketabi Bourdet - 22 passage Dauphine, 75006 Paris

Overview

La galerie Ketabi-Bourdet est heureuse de présenter la première exposition personnelle de l'artiste Pauline d'Andigné, après sa participation remarquée, cet été, à l'exposition collective Glace à l'italienne. Née en 1996, elle sort l'année dernière diplômée de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris avec les Félicitations du jury, après avoir reçu, en 2020, le prix du CROUS pour la Jeune Création.

Empruntant au monde de la production et de la consommation son vocabulaire plastique, Pauline d'Andigné pousse l'appétit des formes et des couleurs aux limites de l'écoeurement et du trash, et joue ainsi, à partir d'une rhétorique de l'excès, sur la corrélation entre attirance et répugnance. Commentaire sur la société de divertissement et de démesure qui caractérise l'hypermodernité, expression d'une troublante ambiguïté, ce travail prend une dimension pluridisciplinaire dont l'exposition propose un aperçu récent. Qu'il s'agisse des peintures et sérigraphies sur tissus, des oeuvres murales en vinyle rembourré, des cônes qui ont perdu toute leur autorité à travers leurs boursouflures, ce corpus appartient au registre de prédilection de l'artiste qui est celui des « formes molles ». On y devine autant un plaisir du détournement qu'une pointe d'humour, auquel un travail approfondi des couches de matière, des effets de transparence et de suspension vient donner du corps.
 
Pauline d'Andigné expérimente dans ses oeuvres sur tissus un certain nombre de gestes picturaux qui se soustraient ou s'additionnent. La première étape de son travail consiste à délaver à la javel, par zones et de manière aléatoire le textile, puis arrive le temps de la sérigraphie qui dépose par endroits un relief particulier, une trame cartonnée, une consistance brute faisant écho au monde urbain, à l'univers des emballages, des produits manufacturés. La peinture à proprement parler intervient de manière nettement plus consciente à partir de ce résultat préalable, davantage soumis au bon vouloir de la matière. Et c'est toute une dimension organique qui se déploie dans ces flux de formes globulaires, où circulent une énergie vitale autant qu'une espèce de plaisir narcotique. Une invitation au loisir qui inciterait presque à se vautrer dans les rondeurs des cônes, offerts ici et là. D'ailleurs l'artiste fait aussi référence aux fonds d'écran animés du numérique, dont on retrouve certaines ressources visuelles : teintes artificielles, effets d'optique, outrance rétinienne... La densité de ces oeuvres y est par contre bien plus subtile et chaque motif répété pourrait représenter une ouverture sur un monde intérieur, traversé par les multiples résurgences de ces couches antérieures. On y ressent l'élan d'un mouvement, l'enchevêtrement fugace et chaotique de souvenirs visuels, une force ne se résignant pas à la neutralité appliquée des « patterns ».
 
Les oeuvres murales en vinyle proposent une version plus énigmatique et minimaliste de cette idée de fenêtre, de passage avec une ambivalence assumée (pourrait-il s'agir de cadres?). Leur rembourrage fait là aussi écho à une forme de confort moderne tandis que le matériau choisi renvoie de manière évidente à la production industrielle. Par leur couleur métallique qui contraste avec leur avachissement, les sculptures en cônes jouent sur leur propre contradiction. L'aspect grotesque et malaisant de leur simple présence, informe, encombrante marque un véritable travestissement de la symbolique impérieuse et de l'usage commun de cet objet comme outil de signalisation, de balisage, de contournement. En cela, elles confirment la part de second degré à l'oeuvre dans tout ce travail.
 
L'héritage « pop » trouve dans l'oeuvre de Pauline d'Andigné une contemporanéité inédite et fait ainsi l'objet d'un cynisme tirant vers une certaine provocation au bon goût. Si l'influence du mouvement « bad painting » se fait ainsi sentir, c'est davantage dans un savant entre-deux, zone trouble du plaisir, que l'artiste creuse sa singularité.
 
Eva Pion
 
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